Il y a un an, l’Académie suédoise était éclaboussée par un énorme scandale mêlant accusations de viol, de harcèlement sexuel, de conflit d’intérêts et de délit d’initié. L’affaire avait alors pris de telles proportions que les démissions s’étaient enchainées, entrainant le report de l’attribution du Nobel de littérature 2018.
Cette année, pour la première fois de l’histoire du Prix, ce n’est donc pas un, mais bien deux lauréats qui ont été nommés il y a quelques jours, non pas ex-aequo comme en 1904 avec Frédéric Mistral et José Echegaray, mais en tant que « bi-Nobel » afin de pallier à cette déficience.
Il s’agit d’Olga Tokarczuk au titre du Nobel 2015, et de Peter Handke au titre de celui de 2019.
Olga Tokarczuk est une romancière polonaise née en 1962. Déjà titulaire du prix Niké, l’équivalent du Goncourt, et du prestigieux Man Booker International Prize, elle est donc à présent lauréate du Prix Nobel de littérature 2018. Ce Nobel rend hommage à une œuvre très importante : elle est l’écrivain polonais le plus traduit en-dehors de son pays et ses livres se vendent à des dizaines de milliers d’exemplaires en Pologne. Elle a exploré plusieurs genres, comme le policier écologique avec Sur les ossements des morts (Noir sur Blanc, 2012), qui raconte la vengeance des animaux contre leurs chasseurs. Elle a aussi su mettre les femmes en avant avec Récits ultimes (Noir sur Blanc, 2007), qui racontent l’intimité de trois générations de Polonaises. Dans Les Pérégrins (Noir sur Blanc, 2010), elle évoque une secte russe qui prône le mouvement perpétuel. Elle se plongea aussi dans l’historique avec les Livres de Jakob (Noir sur Blanc, 2018) qui reconstituent le voyage de l’hérétique juif Jakob Frank.
Peter Handke quant à lui, autrichien de 77 ans, se voit récompensé pour « son œuvre influente qui a exploré avec ingéniosité linguistique la périphérie et la spécificité de l’expérience humaine ». Son couronnement a longtemps été retardé par ses prises de position politiques pro-Serbes lors de la guerre qui éclata en ex-Yougoslavie. Mais comme le rappelle Anders Olsson, un des Académiciens, le Prix Nobel est « un prix littéraire, pas un prix politique ». En 1966, Handke publie les Frelons (Gallimard, 1983), un roman à caractère autobiographique qui évoque la journée d’un adolescent à la campagne à laquelle se greffe un autre fil narratif qui élargit le temps à une semaine, un mois, et enfin au retour en enfance. Il a eu une écriture très prolifique et ne cessa de publier romans, essais et pièces de théâtre : L’angoisse du gardien de but au moment du pénalty (Gallimard, 1972), La courte lettre pour un long adieu (Gallimard, 1976), Le malheur indifférent (Gallimard, 1975), ou encore La voleuse de fruits, à paraitre bientôt.
Selon le testament d’Alfred Nobel, ce prix éponyme, doté de 9 millions de couronnes suédoises (soit environ 830.000€), est destiné à récompenser « une œuvre littéraire ayant fait preuve d’un puissant idéal ». La remise des prix aura lieu le 10 décembre, jour anniversaire de la mort du fondateur de ce Prix.
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